Quelques pratiques sur le régime fiscal de la prestation compensatoire

Dans le cadre d’un divorce, le versement de la prestation compensatoire est soumis à un régime fiscal différent selon la nature des biens remis en règlement.

Plusieurs difficultés peuvent naître d’un point de vue fiscal, notamment :

  • Identification de la fiscalité dont le créancier et le débiteur de la prestation compensatoire peuvent être redevables ;

  • Seuil à partir duquel il devient plus intéressant d’opter pour tel ou tel régime ;

  • Incidence du bénéfice de l’aide juridictionnelle par l’une des parties ;

  • Prestation compensatoire mixte ou panachée ;

  • Substitution d’un capital à une prestation compensatoire fixée sous forme de rente ;

  • Plus-value immobilière consécutive au divorce.

I. Fiscalisation ou non de la prestation compensatoire

A. Prestation compensatoire soumise à l’impôt sur le revenu

Trois sortes de prestations compensatoires entrent dans le champ d’application de l’impôt sur le revenu :

  • Rentes viagères attribuées à titre exceptionnel par le juge en cas de divorce contentieux ( 276 C.civ) ;

  • Rentes viagères et rentes temporaires en cas de divorce par consentement mutuel ;

  • Versements de sommes d’argent destinés à constituer le capital en cas de divorce contentieux et de divorce par consentement mutuel lorsque ces versements sont effectués sur une période supérieure à 12 mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce est passé en force de chose jugée ou la convention a été déposée au rang des minutes d’un notaire.

Régime fiscal :

  • Les versements sont déductibles du revenu brut global du débiteur

  • Corrélativement ils sont imposables entre les mains du créancier.

Ces versements sont-ils soumis aux prélèvements sociaux ?

Art. L 136-2 III Code de la sécurité sociale : ne sont pas inclus dans l’assiette de la CSG les rentes prévues à l’art. 276 C.civ. Rentes visées : rentes viagères attribuées à titre exceptionnel par le juge en cas de divorce contentieux. Tous les autres revenus entrent dans le champ d’application des prélèvements sociaux.

B. Prestation compensatoire soumise aux droits d’enregistrement

Prestations compensatoires soumises aux droits d’enregistrement dans les cas suivants :

  • Versement d’un capital en une seule fois : droit fixe de 125 €,

  • Versement par remise de biens ou de droits immobiliers (en pleine propriété, usufruit ou nue-propriété) :

    • Biens communs ou indivis : taxation au droit de partage à 2,5%,

    • Biens propres ou personnels : taxe de publicité foncière à 0,715%,

  • Versements de sommes d’argent destinés à constituer le capital, à condition qu’ils soient effectués sur une période inférieure ou égale à 12 mois :

    • Droit de partage à 2,5% si liquidités communes ou indivises,

    • Droit fixe de 125 € si fonds propres ou personnels.

Quelques cas particuliers :

  • Prestation compensatoire d’une soulte de partage (biens communs ou indivis) : droit de partage à 2,5%,

  • Remise de droits grevant un bien dont la valeur est supérieure au montant de la prestation compensatoire : droit de vente d’immeuble sur la valeur concernée.

Le Code général des impôts (CGI) n’indique pas expressément qui est le débiteur de ces droits : si rien n’est prévu dans le jugement, c’est le créancier de la prestation compensatoire, et dans un divorce par consentement mutuel, il est possible de convenir autrement.

En ce qui concerne l’impôt sur le revenu : le débiteur de la prestation compensatoire peut bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu égale à 25% du montant du capital dans la limite d’un plafond de 30 500 € (soit une réduction plafonnée à 7 625 € (30 500 x 25%)). Le bénéficiaire de la prestation compensatoire n’est pas imposé.

II. Questions pratiques

1e question : à partir de quel stade, pour le débiteur, devient-il plus intéressant de déduire les versements du revenu brut global plutôt que de bénéficier de la réduction d’impôt sur le revenu ?

Calcul : montant maximum de réduction d’IR / tranche d’impôt marginale.

Ex : si tranche marginale d’imposition à 45% : 7 625 / 0,45 = 16 944. Il est plus intéressant de déduire du revenu brut global à partir du moment où le capital est supérieur à 16 944 €.

Précision : c’est la durée effective de versement qui prévaut sur la durée théorique.

2e question : incidence du bénéfice de l’aide juridictionnelle

Art. 1090 A CGI : les décisions rendues dans les instances dans lesquelles au moins l’une des parties bénéficie de l’aide juridictionnelle sont exonérées de droits d’enregistrement, sauf lorsqu’elles portent mutation de propriété, d’usufruit ou de jouissance. En présence d’une prestation compensatoire il y a forcément une mutation de propriété, d’usufruit ou de jouissance. La prestation compensatoire devrait donc subir les droits d’enregistrement. Mais tolérance de l’administration fiscale : elle accepte de dispenser de la formalité de l’enregistrement les jugements qui prévoient le versement d’une prestation compensatoire et dont l’une des parties bénéficie de l’aide juridictionnelle.

3e question : prestations compensatoires mixtes ou panachées

Depuis la réforme du divorce de 2004, l’art. 276 al 2 C.civ indique expressément que le juge a la possibilité de prévoir que la prestation compensatoire sera versée pour partie sous forme de rente et pour partie sous forme de capital.

On distingue la fraction sous forme de rente et celle sous forme de capital et on applique à chaque fraction le régime qui lui est propre.

Particularité : l’art. 199 octodecies CGI prévoit dans ce cas de figure que la fraction sous forme de capital n’ouvre pas droit au bénéfice de la réduction d’impôt sur le revenu. Il n’est pas possible de cumuler la déduction des versements d’un côté et la réduction d’impôt sur le revenu de l’autre.

4e question : substitution d’un capital à une prestation compensatoire fixée sous forme de rente

Le législateur a prévu des hypothèses de substitution d’un capital à une prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère. Deux cas de substitution :

  • Substitution non automatique

Art. 276 4 C.civ : à tout moment, le débiteur d’une prestation compensatoire fixée sous forme d’une rente peut saisir le juge d’une demande de substitution d’un capital à la rente. La même possibilité est offerte au créancier, mais il doit être en mesure d’apporter la preuve que la situation du débiteur a évolué et qu’il est en mesure de verser le capital.

  • Substitution automatique

Art. 280 C.civ : au décès du débiteur d’une prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère, un capital immédiatement exigible se substitue à cette rente.

Art. 280-1 C.civ : toutefois, les héritiers peuvent décider de continuer à servir la rente.

Avantages dont bénéficie le débiteur :

  • en cas de substitution non automatique, l’art. 199 octodecies accorde au débiteur le bénéfice de la réduction d’impôt sur le revenu. Mais le montant maximum de la réduction d’impôt sur le revenu est toujours inférieur à 7 625 €.

  • en cas de substitution automatique, les héritiers ne peuvent pas bénéficier de la réduction d’impôt sur le revenu (art. 199 octodecies). Ils ne peuvent pas non plus déduire le montant des versements de leur revenu brut global, puisque c’est un capital.

5e question : plus-values immobilières consécutives au divorce

Le versement d’une prestation compensatoire est un acte à titre onéreux.

Lorsque la prestation compensatoire est versée sous forme d’un capital (attribution de biens ou de droits), cela peut avoir pour effet de dégager une plus-value. Aucun prix de vente ne sera encaissé mais un impôt sur la plus-value sera tout de même dû (impôt sur les revenus et prélèvements sociaux). Le versement de la prestation compensatoire constitue le fait générateur de la plus-value réalisée par le débiteur de la prestation compensatoire.

Le créancier devient propriétaire au jour de l’acte constant le paiement de la prestation compensatoire et pour la valeur du ou des biens remis à cette date.

20/10/2020 Géraldine Compagnon

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